Le CERPed a été saisi de cette question et reconnaît les arguments des cliniciens-chercheurs qui sont, d’une part, d’accélérer la mise à disposition chez l’enfant de nouvelles molécules ciblant des circuits métaboliques ou immunitaires spécifiques dans les pathologies graves ne bénéficiant pas d’un traitement de référence et, d’autre part, d’éviter au maximum le recours à des prescriptions de médicaments non validés chez l’enfant.
Actuellement, les domaines concernés pour ces nouvelles molécules sont principalement l’onco-hématologie pédiatrique et les pathologies immunitaires pédiatriques (rhumatologie, néphrologie, etc.). La cardiologie et l’infectiologie peuvent également être ciblées.
Les comités d’éthique européens, dont les CPP français, sont réticents à donner un avis favorable à ce type de protocole de recherche « mixtes », c’est-à-dire incluant des adolescents de 12 à 17 ans concomitamment aux adultes, pour 2 raisons :
- Le consensus habituel cité plus haut
- Le droit européen et français qui considère la population des mineurs comme vulnérable jusqu’à la majorité légale dans chaque pays, 18 ans en général en Europe. A ce titre, cette population doit être particulièrement protégée et les comités d’éthique sont vigilants et très prudents avant de donner un avis favorable pour des recherches la concernant.
On note que lorsqu’il existe une pathologie équivalente chez le majeur compétent, les recherches sur le mineur ne seront entreprises qu’après résultats obtenus chez l’adulte.
Le législateur français doit-il engager une réflexion concertée avec l’Europe pour faciliter l’inclusion de mineurs dans certaines conditions alors que la recherche pourrait être réalisée sans eux ?
L’âge de 12 ans correspond à l’âge à partir duquel la pharmacocinétique et les effets indésirables immédiats sont comparables à ceux des adultes. Par contre, certains paramètres ne seront stabilisés que vers l’âge de 15-16 ans avec une grande variabilité inter-individuelle comme la maturation des circuits enzymatiques, l’évolution de la puberté et de la croissance et la maturation neurologique qui peut se poursuivre jusqu’à l’âge de 20-23 ans. Néanmoins, la problématique des effets retardés éventuels chez l’enfant est la même dans tous les essais cliniques quelle que soit la méthodologie. Seul un suivi à long terme de plusieurs années permet d’identifier ces effets, et des procédures doivent être mises en place pour recueillir ces éléments.
Les critères qui pourraient conduire à inclure des 12-17 ans dans ces études « mixtes »sont les suivants :
- Un Argumentaire scientifique solide démontrant la validation des modèles précliniques reliés à la pathologie concernée et une attention particulière portée aux effets sur la croissance et la puberté.
- La présence d’une altération génétique (germinale ou tumorale ou des tissus/organes affectés par le processus pathologique) ou moléculaire permettant de présumer de la haute probabilité d’efficacité de la nouvelle molécule en raison de son action inhibitrice ou stimulante sur des circuits métaboliques ou immunitaires intervenant dans la pathologie concernée.
- Une pathologie grave et invalidante sans traitement de référence à l’heure actuelle
- Un pronostic vital engagé à court/moyen terme mais une durée de vie escomptée permettant de justifier l’administration d’un nouvel agent thérapeutique pour évaluer la balance entre le risque et le bénéfice thérapeutique potentiel.
- De plus il est impératif que :
- Dans le cadre de ces protocoles « mixtes », le volet pédiatrique de cette recherche soit mené dans des services de pédiatrie agréés.
- L’investigateur soit particulièrement vigilant à la proposition d’une alternative thérapeutique.
- Stratification dans le temps pour l’inclusion majeur/mineur
Commencer chez l’adulte la dose 1, valider la tolérance et la sécurité. Puis débuter la cohorte 2 adulte et commencer la cohorte dose 1 chez les 12-17 ans. Ce schéma permet d’avoir des premiers résultats en termes de tolérance et de pharmacocinétique chez l’adulte avant la première administration chez le mineur.
Cas particulier : Pathologie très rare chez l’enfant qui ne permettrait pas de constituer une cohorte statistiquement significative avec les seuls mineurs. Dans ce cas précis, et pour des pathologies invalidantes sans traitements de référence, les CPP acceptent généralement l’inclusion précoce de mineurs dans des protocoles « mixtes » incluant des majeurs et des mineurs, jugeant au cas par cas de l’âge minimum d’inclusion. A noter que de nouveaux schémas d’essais cliniques tels que « N-of-1 trials » ou « basket trials » permettent de réaliser des recherches sur de très petits nombres de patients
Une réflexion législative et réglementaire semble nécessaire pour favoriser l’inclusion de mineurs de 12-17 ans lors de phases I/II dans le même temps que des personnes majeures, tout en respectant le principe de protection particulière de cette population vulnérable par un encadrement strict de cette procédure.
A noter qu’aux USA, la FDA vient de publier en juin 2018 des guidelines allant dans ce sens, dans le domaine de l’oncologie pédiatrique pour des adolescents en échec thérapeutique et dont le pronostic vital est engagé.