Recherches innovantes en pédiatrie, problématiques familiales

Ce travail a été réalisé à partir d’une initiative de l’UNAPECLE (Union des Associations de Parents d’Enfants atteints de Cancer ou LEucémie). Les demandes des familles ont été synthétisées à partir de l’enquête qu’elle a organisée pendant plusieurs mois sur les recherches innovantes en pédiatrie. 

Les recherches innovantes en pédiatrie comprennent notamment les thérapies géniques, les immunomodulateurs empruntant des voies métaboliques spécifiques, les traitements par cellules chimériques (Car T cells) et les recherches issues des études in silico. Elles concernent de nombreuses pathologies, souvent des maladies rares. L’onco-pédiatrie, les maladies neuro-dégénératives et les maladies auto-immunes en sont les cibles actuellement les plus fréquentes.

  • Enjeux concernant l’information : Protocole justifié par des mécanismes d’action difficilement compréhensibles par le grand public, vocabulaire inconnu, manque de repères usuels.
  • Enjeux concernant les contraintes liées à la participation : Durée importante de séjour dans un centre référent souvent éloigné du domicile, entraînant une souffrance liée à la séparation de la famille, des copains, de l’école. Les contraintes sont importantes pour les parents : absence professionnelle, perte de salaire, problèmes de garde de la fratrie, problèmes financiers liés à l’avance des frais de transports et d’hébergement prolongé.
  • Enjeux liés à l’inclusion dans l’étude : A la suite de visites de pré-screening souvent longues et contraignantes, l’enfant n’est parfois pas inclus dans la recherche. Les familles en conçoivent une grande incompréhension et une grande colère.

L’information des familles

Les modes d’action inconnus du grand public et éloignés des concepts biologiques que certains parents/enfants ont intégré au cours d’une maladie chronique, sont difficiles à expliquer. Dans ce contexte, l’information aux familles est complexe à délivrer.

Afin d’aboutir à une information de qualité et un consentement « libre et éclairé », plusieurs aspects doivent faire l’objet d’une attention particulière :

Élaboration de supports pédagogiques : les associations de parents, et/ ou les promoteurs, peuvent élaborer et mettre à disposition des supports pédagogiques. Un dictionnaire des termes utilisés par les équipes soignantes est utile. Dans les pays anglo-saxons des sites web adaptés aux enfants favorisent des échanges fructueux qui permettent des représentations à la fois validées scientifiquement et accessibles au public concerné. Le développement de tels sites avec boites de dialogue sera une aide précieuse à la compréhension des nouveaux enjeux thérapeutiques. Le partenariat avec les associations de malades sera particulièrement bienvenu dans ces recherches innovantes.

Modalité d’information des familles: le pédiatre investigateur doit personnellement délivrer l’information orale à l’enfant et aux parents. A l’issue de cet entretien, les documents d’information écrits seront remis à chacun des parents et à l’enfant afin qu’ils puissent réfléchir ensemble et séparément à leur décision de participation.

Clarification des différences entre le soin et la recherche: Souvent en France c’est le pédiatre traitant habituellement l’enfant qui propose la recherche et en est l’investigateur. Cela risque d’entraîner une confusion préjudiciable à une décision « libre et éclairée ». De plus, cela met les familles dans une situation de porte à faux, elles ne se sentent pas libres de leur choix pour ne pas « contrarier » leur médecin, même si les notices d’information précisent qu’en cas de refus, la qualité des soins ne sera pas altérée. D’autres pays ont décidé de ne jamais désigner le pédiatre qui suit l’enfant comme investigateur pour une recherche le concernant, évitant la confusion dans l’esprit des parents et des enfants, ainsi que le sentiment de conflit d’influence. Les pédiatres français pourraient mener une réflexion en ce sens.

Résultats de la recherche: A l’issue de la recherche les parents sont souvent en forte demande des résultats. Le promoteur a l’obligation de restituer les résultats globaux de l’étude dans un langage clair et accessible à tous les membres de la famille. Délivrer les résultats globaux de la recherche est à la fois un geste de gratitude pour les familles ayant participé à l’étude mais participe également à une meilleure compréhension de la pathologie et du processus de recherche. Le promoteur et les investigateurs doivent  donc prévoir un document adapté et compréhensible pour un public non expert.

Contraintes liées à un éloignement prolongé du domicile

Nombre et durée des déplacements : Il est nécessaire que la notice d’information détaille le nombre de déplacements et leur durée à chaque étape du protocole. Cela permettra aux parents de bien comprendre les conditions de l’étude et de s’organiser vis-à-vis de leurs autres enfants et de leur employeur.

Les frais liés à la participation de l’étude : les frais de déplacement et d’hébergement doivent être intégralement pris en charge par le promoteur, qu’il soit institutionnel ou industriel. Ils peuvent être importants quand le centre de référence est éloigné du domicile et que la durée de séjour à proximité du centre est de plusieurs semaines.

Dans certains cas, la famille doit avancer ces frais et le délai de remboursement est très variable d’un promoteur à l’autre. Il est nécessaire d’être attentif au choix d’un prestataire de service qui rembourse très rapidement les frais, ou prévoit une procédure de réservation train + hôtel sans avance de frais par les familles. Ces informations doivent également être mentionnées aux parents avant l’inclusion.

Soutien Social : tous les soutiens familiaux (psychologiques, financiers, logistiques etc.) doivent être confirmés. Un bilan des allocations (AJPP et AEEH) obtenues et un plan de maintien doit être envisagé avec les travailleurs sociaux pendant tout le temps du protocole. 

Vie quotidienne des enfants : dès lors qu’un enfant malade est inclus dans un protocole de recherche, les principaux aspects de sa vie quotidienne doivent être préservés dans la mesure du possible, comme ils l’ont été pendant les soins courants. 

Le suivi scolaire doit être conservé ainsi que le contact avec la classe habituelle quelle que soit la structure qui assure ce service.

Visites de pré-screening non suivies d’inclusion

Avec des thérapies de plus en plus ciblées et des protocoles internationaux à recrutement compétitif, il est fréquent que malgré des procédures de pré-screening longues et contraignantes, l’enfant ne soit pas inclus : soit parce qu’il ne présente pas le profil recherché, soit parce que, bien qu’il corresponde à tous les critères, le quota d’inclusion a été atteint avant la fin de la procédure, (parfois au moment de formaliser l’autorisation des parents et l’acceptation des enfants). Or, cette éventualité est souvent à peine évoquée dans les notices d’information. Cette non-inclusion est extrêmement difficile à vivre pour les parents, surtout quand il n’existe pas de traitement efficace pour la pathologie ou que l’enfant est en échec thérapeutique. Il en résulte un sentiment de colère et d’incompréhension très compliqué à accompagner.

Afin de gérer au mieux ces aspects, deux points sont importants :

  • Clarifier les modalités d’inclusion auprès des familles : nécessité impérative de préciser très clairement que l’enfant à qui l’on propose ce genre de recherche ne sera pas forcément inclus dans le protocole proposé à l’issue des procédures de pré-screening et ceci pour diverses raisons médicales ou liées à l’organisation de l’étude.
  • Préciser l’incertitude liée au processus de recherche : pour le pédiatre investigateur, il est difficile mais indispensable de ne pas se laisser aller à présenter l’essai comme celui de la « dernière chance » et/ou de ne pas « presser » les parents de donner leur autorisation, pour ne pas perdre une opportunité d’inclusion. Il faut ici rappeler que le résultat d’une recherche ne peut jamais être garanti pour un participant donné.

Sur tous ces points, il est nécessaire d’initier une réflexion globale au niveau des instances européennes